La Ferme Fischer

une entreprise familiale au défi du temps

La Ferme

Amis lecteurs, laissez-vous conter l’histoire peu commune d’une petite entreprise familiale, locale et artisanale, qui, depuis près d’un siècle,
ne cesse de mettre en joie vos papilles gustatives.
Qu’on ne s’y méprenne pas, je ne suis pas le premier à saluer la popularité dont jouit la Ferme Fischer.
Un journal local (" la vie à la campagne ") titrait déjà au début
des années 60 :

37 ans

Vous conviendrez avec moi, chers lecteurs, que la vitalité s’avère toujours au rendez-vous, mais qu’elle se couple de surcroît avec l’amour des bons produits et l’exigence de qualité.

A l’heure des scandales sanitaires et alimentaires en série ; quand, cherchant un bœuf, vous trouvez un cheval, la Ferme Fischer fait figure de bastion du militantisme artisanal pour la promotion et la conservation d’un savoir-faire en matière d’aviculture, mais pas uniquement.

Vos sens sont véritablement en éveil lorsque vous arrivez aux abords de la ferme Fischer.

 

Vous longez les enclos de volailles qui évoluent en liberté et qui vous regardent d’un œil malicieux, l’air de dire :

“ attrape-moi si tu peux car ici j’évolue en liberté.
Je suis bien nourrie et mes amies aussi ;
ma chair est tendre, ma cuisse est charnue,
non vraiment je ne ressemble pas à ces pauvres consœurs maigrelettes
qui jamais n’ont vu le jour et jamais
n’ont picoré autre chose que de la farine animale. “

poule

 

Jamais, de mémoire d’homme, on n’entendit une poule tenir tel discours !
C’est vous dire toute l’ambiance particulièrement chaleureuse qui anime ces lieux.
En arrivant à la Ferme Fischer, c’est la campagne d’autrefois que l’on retrouve, comme une survivance voire une résistance du terroir face aux assauts des multinationales.
Ce sont les oeufs qui viennent d’être pondus, les légumes qui viennent d’être cueillis, les saucisses aux herbes fraichement placées dans la vitrine.
En un mot, et comme je le disais plus haut, c’est le bon goût retrouvé.
Retrouvé disais-je ?

Pas si sûr quand on considère l’histoire de cette ferme, qui est consubstantielle à celle de la famille Fischer.
Et quelle histoire : vous ne pouvez pas vous douter, quand vous passez la porte du magasin, de l’extraordinaire voyage dans le temps qui fut celui de cette ferme et de la famille qui la fait vivre encore aujourd’hui.

Alors attachez vos ceintures
et cramponnez-vous, direction 1926 !



Marcel et Valentine


Elevage du moulinMarcel est originaire de Mulhouse et Valentine de Seine et Marne à Mandres les roses pour être plus précis.
Architecte de formation, c’est l’élevage qui suscite l'intérêt de Marcel.
Quand il était petit, Marcel, plutôt que d’acheter un petit pain avec les sous que lui donnait sa mère, préférait faire l’acquisition parfois d’un lapin, parfois d’une poule voire d’une couveuse…
Installé à Paris avec sa femme qui y tenaient alors une crèmerie, ces derniers décident d’acheter, en 1926, la ferme de M. Auriol, où se trouvait encore la base d’un moulin à vent.

Cette exploitation, nommée Elevage du Moulin jusqu'en 1976,
est devenue l'actuelle Ferme du Moulin
(autrement dénommée Ferme Fischer pour les connaisseurs).

Dans une interview accordée au Petit Marlois, Georges Fischer raconte :
" Mes parents (Marcel et Valentine) ont commencé avec quelques chèvres, vaches et poussins. "

La nourriture des animaux était directement issue d’une culture qui s’effectuait
en parallèle.

A Marles, de nombreuses petites exploitations se côtoyaient, les terres étant louées pour
la plupart.
Georges Fischer le dit lui-même :
" Chacun avait son petit lopin de terre, les Marlois ne mourraient pas
de faim, on exportait beaucoup. Mon père a commencé avec 58 Ha. "

L’exportation : elle fut très active jusque dans les années 60.
Marcel Fischer avait effectivement eu l’idée d’exporter dans un premier
temps ses reproducteurs, essentiellement des lapins et des poussins,
dans les pays d’Afrique du Nord, d’Afrique noire, à la Réunion et à la
Martinique.

La ferme employait alors :

  • 1 menuisier à temps complet pour la fabrique des caisses à poules et
    lapins ;
  • 1 porcher ;
  • 1 vacher ;
  • 1 chauffeur de tracteur ;
  • des employés de culture saisonniers recrutés surtout en Bretagne
    (parait que le breton est très travailleur !).

Puis ce fut la Croix-Rouge qui, pour lutter contre la Faim, fit appel à ses services.
C’est ainsi que les lapins de la ferme Fischer, de ceux qui se multiplient le plus vite au monde (les géants blancs du Bouscat), inondèrent les pays où sévissait la famine.

Ces derniers étaient expédiés d’Orly par cagettes entières par les avions de l’aéropostale.

Malheureusement, expédier des animaux dans d’autres contrées éloignées n’est pas toujours aisé à réaliser et comme le dit Georges Fisher :

avion“ il y avait beaucoup de pertes. Les cartons de poussins restaient sur les quais. Pour ceux qui prenaient la voie des airs, l'aventure n'en était pas moins au rendez-vous dans la mesure où le précieux et bruyant chargement, faute de mieux et surtout d'infrastructures adaptées, devait attendre le destinataire qui traversait alors la brousse à pied.... Autant dire qu'une grande quantité de poussins ne survivaient pas aux conditions climatiques. “

L’embarquement des animaux pouvait prendre de 2 à 3 jours en cas de grève à Orly.
2 à 3 jours à veiller et à nourrir les animaux, parfois même à faire des allers-retours en attendant la reprise des vols.


oeufs
Attardons-nous quelque peu sur l'élevage des poussins, car il est peu banal :
l'exploitation ne comptait pas moins de 6 incubateurs de marque “ PETERSIME ” (du matériel moderne pour l'époque) ainsi que 5 éclosoirs représentant une capacité totale de 130 000 oeufs soit une production moyenne de 8 000 à 24 000 oeufs par semaine. Accolée au couvoir se trouvait une salle de manipulations dans laquelle les poussins éclos étaient triés puis répartis dans des cartons d'expédition pouvant contenir jusqu'à 50 poussins chacun. Les poussins faisaient également l'objet d'un sexage (opération consistant à déterminer le sexe de l'animal).

sexage
Alors qu'au Japon, la technique du sexage a été élevée au rang d'art demandant des années de pratique, chez les Fischer on utilise le “ Chick Tester”, qui donne les mêmes résultats.
La technique : elle consiste à vider la paroi abdominale, à introduire un tube en verre spécial dans l'intestin par le cloaque pour y voir soit un ovaire soit un testicule.

Avec la maîtrise de cette technique, c'est 300 poussins à l'heure qui passent sur le billard...

En parallèle de l'activité d'exportation, Georges, Roger, son frère et sa sœur Cécile, effectuaient les livraisons et le ramassage des œufs dans les “quatre coins ” de la Seine-et-Marne et de l'Aube.
Plus de 30 fermes à visiter.



La maman, Valentine, en véritable femme d'entreprise, avait compris l'utilité de la publicité en faisant paraître des annonces dans les journaux locaux voire au-delà, à l'international (Fort de France, Brazzaville, Ouagadougou, etc.).

Comme nous l'avons entrevu plus haut, la Ferme Fisher développait, à partir des années 60, quatre activités annexes en parallèle de l'élevage des volailles, à savoir :

  • un clapier de 500 à 600 lapins dont le fameux Géant Blanc du Bouscat exporté dans des pays où sévissait la faim)
  • un élevage d’une centaine de porc environ. Ces derniers étaient achetés à 2 mois, pesant alors 20 kg.
    En 5 mois, ils atteignaient facilement les 100 Kg, mangeant essentiellement de l'orge et des pommes de terre cuites.
  • une vacherie comportant 15 laitières dites “ Pie noire “ dont le rendement laitier était apprécié.
  • 60 hectares de culture d'un seul tenant pour y récolter légumes et céréales (la Ferme était alors équipée de deux tracteurs et d'un cheval pour les menus travaux).


camionPuis, dans les années 70, tout bascule, Georges Fisher raconte :
“ En Algérie, vers les années 60, nous n’avons plus été payés, donc nous avons arrêté les envois.
Ma mère est décédée, ainsi que mon frère.
Nous avons arrêté les expéditions mais continué la culture. “


Puis vient l’idée d’engraisser des poulets pour un abattoir, en plus de l’élevage de porcs.
Les enfants étant en âge, ils ont été mis à contribution, par exemple en chargeant les cagettes de poules dans les camions en partance pour l'abattoir.

Par ailleurs, ils se levaient à 4 heures le matin, travaillaient pendant 2 heures, puis, après un copieux petit-déjeuner, prenaient le chemin de l'école.
Ce n’est que dans les années 90 que l’idée est venue à la famille Fischer de “ vendre aux particuliers de la viande prête à cuire. Quand les jeunes sont sortis de l’école, ils nous ont aidés et on a développé notre entreprise ”.

Aujourd’hui, quand vous retournerez à la ferme Fischer, vous croiserez ceux qui aujourd’hui sont acteurs de cette histoire peu commune et qui sont les garants de la pérennité de cet héritage, à savoir : Georges et Claudine (maintenant à la retraite) ainsi que leurs enfants : Jean-luc et sa femme Valérie, Jean-Christophe et enfin Thierry, qui, lui, a choisi de se concentrer exclusivement sur la culture céréalière.
A noter que Sébastien, le premier fils de Jean-Luc reprend aujourd'hui la gestion de leur entreprise alors que Quentin, le plus jeune, se destine à des études scientifiques.

la famille Fischer


Afin de développer leur activité de proximité, de grands travaux de réfection de la boutique ont été necessaires pendant plusieurs mois permettant l’ouverture au public en date du 10 mai.

Merci à tous ceux qui contribuent, par leur travail quotidien,
à faire honneur à la diversité de notre région
et à nous proposer des produits de qualité.